Au travail : réussir une prise de poste

Rendre des comptes les 100 premiers jours d’une prise de poste

Le manager fraîchement nommé est, en général, au moins deux fois face à ses administrateurs dans les trois premiers mois. Il sera attendu sur sa vision de l’entreprise, son plan stratégique, et les rapports qu’il saura tisser avec les membres du conseil.

Concentré sur la découverte de l’entreprise et de ses nouvelles équipes, le dirigeant ne doit pas perdre de vue ceux qui l’ont nommé et auxquels il aura, dès les 100 premiers jours, des comptes à rendre : c’est-à-dire, selon les cas, le conseil d’administration ou le conseil de surveillance. « Il ne débarque pas, en terre inconnue, tempère Charles Beigbeider, président de Gravitation, holding d’investissement. Il connaît certains de ces administrateurs et a rencontré, auparavant, plusieurs d’entre eux. » Ne serait-ce qu’au cours des négociations qui ont entouré sa nomination. Il s’est en particulier entretenu avec le président du comité de rémunération.

Conseil #1 : Une prise de contact et de bonnes résolutions

Un conseil d’administration ou de surveillance est rapidement convoqué, après l’entrée en fonction d’un haut responsable. Le dirigeant doit s’y représenter et dresser son plan de bataille pour les premières semaines : « C’est un rapport d’étonnement, résume Charles Beigbeider. Il peut s’appuyer sur ses top managers pour livrer sa photographie de l’entreprise. » Ce premier conseil est, en effet, minutieusement préparé par le nouveau dirigeant, qui aura pris soin de rencontrer au préalable quelques administrateurs pour anticiper les décisions et impulser de saines habitudes : « Il faut avoir de bonnes méthodes de transparence, préconise Charles Beigbeider. Le manager doit tout dire et responsabiliser son conseil d’administration. »

Conseil #2 : Un regard sur l’entreprise et des petites victoires

Ce conseil est convoqué dans les trois mois. L’occasion pour le nouveau patron de faire des suggestions, de lancer des premières pistes, de prendre des décisions, esquissées lors du premier conseil : « On attend de lui une stratégie, un calendrier, une vision. S’il n’y a pas ça en 100 jours, il y a lieu de s’interroger », assure Charles Beigbeider.  Si on n’aborde pas les grands enjeux trop tôt, on apprécie un regard neuf sur l’entreprise et des « quick wins » : « Des gages malins et efficaces, qui rassurent, sur des choix mineurs, poursuit-il. Immobiliers, par exemple. Comme regrouper des services. On fait preuve d’une bonne gestion, en réalisant une économie de loyer. » Un travail en amont est également nécessaire « Il faut parler avec le président du conseil de surveillance, précise-t-il encore. Il est naturel qu’un PDG appelle ses administrateurs, ils sont ravis. Aujourd’hui ils font leur boulot, ils posent des questions. Pour les décisions importantes, je prévois toujours deux conseils, le premier pour poser des jalons, le second pour emporter la décision ».

Réapprendre à observer

Dans les premières semaines de sa prise de poste, la capacité à observer du manager est fortement sollicitée. Il est possible de perfectionner l’acuité dans ce domaine. C’est ce que proposent les Ateliers du regard.

Avec ces ateliers, les managers vivent une expérience esthétique inédite devant une œuvre, dans un grand musée comme le Louvre, Orsay… Une peinture choisie en fonction de thématiques – le pouvoir, l’image de soi, la cohésion d’une équipe -, un chef-d’œuvre emblématique, surtout pas un tableau illustratif. Les participants sont invités à un exercice d’observation profonde, avec un minimum d’informations sur la toile. « Ils l’abordent d’un œil neuf, acéré, établissent une relation personnelle à l’œuvre, sans puiser dans leur savoir », explique le conférencier Stéphane Coviaux. En verbalisant et en effectuant des associations, ils améliorent leur qualité d’observation.

S’enrichir du regard des autres

Au sein d’un groupe, chacun bénéficie de la parole des autres : « Notre regard est limité. A plusieurs, on acquiert un nombre phénoménal d’informations, souligne Stéphane Coviaux. Tous n’ont pas le même cadre de référence pour appréhender la réalité.» Cette démonstration contribue à perfectionner l’élaboration d’un style de management. Elle suscite une nouvelle façon d’aborder un interlocuteur : « C’est l’interprétation des regards des personnages représentés qui provoque le plus de projections, précise-t-il, et permet de travailler dans la nuance. »

Réflexion sur les attributs de l’autorité naturelle

Les thèmes des tableaux – puisés dans l’histoire, la Bible, les Evangiles – donnent libre cours à des réflexions sur l’autorité. Le dirigeant, qui aborde de nouvelles fonctions, peut analyser des modèles de postures évoquant l’ascendant, la parole qui fait autorité. « La base de réflexion est surprenante, mais ce n’est pas un travail métaphysique, commente Stéphane Coviaux. C’est une approche par un détour des thématiques des managers. » C’est aussi l’occasion pour eux, habitués à plus de rationalité, de se confronter à un monde qui ne relève pas de leur domaine de compétence et dans lequel ils ne sont pas moteur. Un travail à double détente où ils peuvent s’observer en situation d’observation. Une demi journée suffit pour vivre cette expérience sensorielle, suivie d’un travail sur des cas concrets concernant plus directement l’entreprise – avec parfois des renvois surprenants au tableau. Pour enclencher un changement de comportement, des séances d’une journée ou régulières sont nécessaires. « Ils ont vécu quelque chose de fort, hors norme, en profondeur et ils s’en souviennent, conclut, Stéphane Coviaux. Les grandes œuvres nourrissent, elles font du bien.»

Conseil #3 : Identifier ses appuis et neutraliser ses ennemis

Lancer ses équipes dans l’action et solliciter leur réflexion, rien de tel pour repérer ses alliés, mais aussi ses opposants – qu’il conviendra de mettre rapidement sur la touche.

De la circonspection, les premiers jours

Comme toujours, le principal piège pour le manager, lors de sa prise de poste, consiste à vouloir aller trop vite dans l’approche de ses nouveaux collaborateurs. Il doit se méfier des jugements hâtifs et savoir rester humble, recommande Eric-Jean Garcia, directeur de l’Executive Master trajectoires dirigeants de Sciences Po : « Il ne faut pas se croire le meilleur, même si on a été choisi parmi les meilleurs. A l’inspection, préférer l’introspection, saine et salutaire. » Une période d’observation permet de s’adapter au nouvel environnement et d’éviter tout emballement excessif vis-à-vis de l’un ou toute défiance infondée vis-à-vis d’un autre.

Trier le bon grain de l’ivraie

Il y aura toujours, au sein d’une équipe à découvrir, ceux qui restent attachés à l’ancienne direction et à un fonctionnement révolu ou, pire, ceux qui convoitaient la place. Au cours d’entretiens, en tête-à-tête, avec chacun des membres de l’encadrement, le nouveau dirigeant se préoccupe de reconstituer les réseaux d’influence, non officiels. Il enregistre différents points de vue, les recoupe et les confronte aux données fournies par la direction des ressources humaines. S’il cerne un élément manifestement hostile, il ne devra pas tarder à s’en séparer. Il est périlleux de laisser traîner une situation de blocage, d’autant que l’avantage est souvent à celui qui connaît les rouages de l’entreprise. Pour Eric-Jean Garcia, le mieux est encore de veiller à ne pas se créer d’ennemis par des décisions trop brusques pour imposer sa marque : « Il faut d’abord gagner les esprits et les cœurs », suggère-t-il.

La preuve par les actes

Proposer très vite à ses collaborateurs du concret et de la prospection, c’est le conseil d’Eric-Jean Garcia : « En faisant travailler les gens sur des choses qui les font réfléchir, on les sort de la routine. Ça accélère le processus de révélation de la compatibilité ou de l’incompatibilité entre les individus. On voit rapidement si ça tilte ou pas. » Le brainstorming est un exercice qui favorise les échanges et la construction d’une relation de confiance. Un dirigeant, qui à son arrivée dans l’entreprise cherche à se constituer une garde rapprochée, peut être perçu comme maladroit. Il disposera, au contraire, de toute sa marge de manœuvre pour monter, avec les effectifs existants, la meilleure équipe plutôt que de juxtaposer les meilleurs experts.

Conseil #4 : Communiquer sa vision interne de l’entreprise

La communication d’entreprise ne se cantonne plus à l’écrit. L’audiovisuel et la radio d’entreprise contribuent à renforcer le lien managérial entre le nouveau dirigeant et l’ensemble de ses collaborateurs.

Comment s’approcher de l’art de la communication de Maurice Lévy, dans la présentation de ses vœux en vidéo ? Par un humour décalé, en quelques minutes, le patron de Publicis en dit plus de sa vision de l’entreprise que dans un long discours.

A l’occasion des vœux, un chef d’entreprise apporte sa patte personnelle, comme Jean-Dominique Senard qui, succédant à Michel Rollier à la tête de Michelin, en 2012, a initié une formule plus dialoguée que son prédécesseur.

C’est Eléphant at Work qui produit des images pour le fabricant de pneumatiques. Journaux télévisés hebdomadaires, diffusés dans les usines du monde entier, magazines inspirés de ceux diffusés à la télévision, montage de plateaux de direct : l’agence de production décline tous les formats télévisuels. Pour capter au mieux l’attention des destinataires, elle propose des conducteurs dynamiques, alternant plateaux, interventions brèves et reportages.

« Rien ne remplace la force de l’image,

soutient Hervé du Verne, cofondateur d’ Eléphant at Work. C’est l’incarnation d’une stratégie palpable, dans son contexte, plus évidente à appréhender pour les collaborateurs. Si vous voulez expliquer votre implantation dans des pays émergents, le magazine montre comment vous vous y prenez. »

La radio d’entreprise constitue également un outil managérial :

« L’absence d’image favorise l’imaginaire individuel des équipes qui, à l’écoute, peuvent projeter ce qu’elles souhaitent,

explique Anne-Marie de Couvreur, présidente de Mediameeting, spécialiste de ce secteur. « Par la radio un patron peut arriver dans une entreprise, à pas feutrés, sans surexposition et engager un dialogue avec ses salariés à leur bureau, où qu’ils soient dans le monde. » Concrètement, la radio d’entreprise est diffusée par podcast, intranet ou téléphone, sous tous les formats traditionnels. De courtes interviews, des petits journaux enregistrés, mais aussi des émissions en direct, animées par des journalistes, où le PDG, en studio, échange avec des cadres. Les salariés connectés peuvent l’interpeler façon « Les salariés ont la parole » ou « Le téléphone de l’entreprise sonne ».

Dans le cas d’une prise de fonction, Anne-Marie de Couvreur suggère une annonce par flash spécial – les collaborateurs sont invités par mail ou SMS à se brancher sur la radio d’entreprise. Plus tard, le nouveau patron consacrera sa première intervention à son « rapport d’étonnement. « En 100 jours, le dirigeant absorbe des données objectives pour les traduire de façon intuitive et se faire une représentation mentale de son entreprise à cinq ans, analyse Anne-Marie de Couvreur. La radio peut accompagner tout son parcours d’intégration. »

Conseil #5 : Rebondir après un échec

Faire ses premiers pas dans de nouvelles fonctions, après une expérience précédente mitigée, c’est repartir du bon pied. Fort de son expérience, Bruno Bonnell ex-Infogrames, à la tête de Robopolis, est convaincu que l’entreprise doit s’humaniser.

« Echouer, c’est avoir la possibilité de recommencer de manière plus intelligente »,

des propos signés Henry Ford. L’illustre constructeur automobile américain s’y est repris à plusieurs fois avant de mettre au point le mode de production qui a bouleversé l’industrie. Steve Jobs, lui-même, a été évincé d’Apple en 1985, avant de revenir au premier plan. Si, aux Etats-Unis, l’échec est valorisé, en France « c’est limite, si la personne ne porte pas la poisse. Le parcours des chefs d’entreprise est toujours un peu romancé », confie un spécialiste du storytelling. Créé dans la Silicon Valley, le concept de conférence du « ratage » ou Failcon n’est arrivé en France qu’en 2011. Une réunion où les dirigeants viennent partager leur expérience d’un échec et racontent comment ils l’ont transformé en succès. « Qui mieux qu’un entrepreneur pour ré-entreprendre ! », interpelle de son côté l’association Second souffle, qui aide les patrons à rebondir après un échec.

Conseil #6 : Patron pissenlit ou jardinier ?

« L’entreprise du XXIe siècle se doit d’être humaniste et réaliste. Ce n’est pas l’autogestion, ni la remise en question de l’offre et de la demande, mais les nouvelles technologies ont contribué à la désenclaver. Elle n’est plus une boîte noire entre les produits et les consommateurs. »

Ainsi parle Bruno Bonnell, directeur de Robopolis. Ecarté en 2007 d’Infogrames, qu’il avait fondé en 1983, il prône un management plus transparent. Même s’il considère n’avoir guère changé : « Sur les fondamentaux, je suis toujours le même. Le jeune homme que j’étais croyait que le chef d’entreprise justifiait son rôle par l’hyperactivité. A 50 ans, je pense qu’il remplit son rôle s’il délègue et donne à ses collaborateurs l’opportunité de s’exprimer. Il y a les patrons pissenlits – autour desquels rien ne pousse- et les jardiniers. » Selon lui, c’est l’entreprise qui doit retrouver un nouveau souffle.

Bruno Bonnell est convaincu que l’on n’a pas encore mesuré l’impact des récentes innovations : « Depuis la révolution industrielle, l’entreprise fonctionne sur la notion de valeur économique indépendamment du corps social. En réalité, elle entretient une relation complexe avec son environnement. » A l’heure où, en un clic, un appel d’offre est lancé à l’international, l’entrepreneur a une responsabilité sociétale :

« A l’intérieur, il assure le maintient de la cohésion sociale, mais il a aussi une vision géopolitique et il analyse les transformations du monde. »

Le patron enthousiaste de Robopolis juge essentiel d’échanger avec ses pairs pour ne pas se scléroser : « S’isoler, c’est perdre sa compétitivité. Et les profits, conclut-il, ne sont pas un gâteau à partager entre actionnaires, mais le prix de la liberté. »

Conseil #7 : Cinq trucs pour asseoir son leadership

Comment poser des actes fondateurs et tracer une feuille de route susceptible d’entraîner ses équipes, pour s’imposer sans heurt dans un poste de direction ?

1. Le style

Ce style sera toujours comparé à l’aune de celui de son prédécesseur. Il convient d’évaluer la marque qu’il a laissée, tant dans les esprits, que dans les pratiques de l’entreprise. Le nouveau dirigeant tisse des liens en empathie avec ses équipes, mais en gardant ses distances. Ni trop cassant, ni complaisant, il montre son implication, mais sait déléguer à bon escient. Ses premières décisions en matière de gestion du personnel seront scrutées à la loupe et laisseront une impression indélébile.

2. Le rythme

D’abord s’imprégner des valeurs de l’entreprise : si le nouvel arrivant au poste de direction sait qu’il ne doit pas aller trop vite, il est conscient qu’il sera jugé par sa rapidité à décider et sa capacité à trancher dans le vif. La moindre de ses hésitations crée des tensions, toujours exacerbées en période de transition. A lui d’impulser le rythme du changement : savoir transformer tout en préservant et en consolidant les fondamentaux de l’entreprise.

3. L’échange

Les trois premiers mois dans une nouvelle société sont largement consacrés à l’écoute et à la communication : rencontrer tous les collaborateurs et expliciter ses intentions. Dans cet exercice, la notion de réciprocité est primordiale : on apprend tout de la marche de la maison, mais on apporte son savoir-faire de manager. De la qualité de ces échanges dépendront la pertinence des remaniements engagés et des nouvelles orientations.

4. La preuve

Tous attendent du dirigeant des actes. Tant ses collaborateurs, auxquels il doit prouver sa légitimité, que ceux qui l’ont nommé, vis-à-vis desquels, il doit se montrer digne de confiance. En faisant preuve de loyauté à leur égard, il s’assure de leur soutien dans la mission qu’ils lui ont confiée et obtient les moyens d’atteindre les objectifs fixés. Sa situation s’en trouve confortée, il entre dans une phase de consolidation.

5. La vision

Les trois premiers mois de prise de fonction permettent au dirigeant d’élaborer sa vision de l’entreprise pour les deux à trois ans à venir. La référence aux 100 premiers jours a une fonction symbolique estime Gilles Amado, professeur émérite de psychosociologie des organisations à HEC : « La qualité d’un management se juge sur la durée. Ce mythe des 100 jours représente une pression mentale et opérationnelle à double tranchant pour le nouvel élu : il peut lui autoriser la présentation d’un projet nouveau, s’il bénéficie d’une lune de miel, mais il peut aussi le pousser à des décisions trop précoces, voire à une rupture inadaptée, conséquence du stress généré par ce mythe. » Les résultats d’un manager ne s’évaluent, généralement, pas avant 24 à 36 mois.

Conseil #8 : Le bon planning des 100 premiers jours

Trois mois pour engranger des informations, comprendre l’entreprise et faire rapidement des propositions de changement : l’agenda d’une prise de poste est stratégique. Ce qui n’est pas réalisé dès le début risque de ne jamais se rattraper.

Faire connaissance avec l’entreprise

Les premiers jours de son entrée en fonction, le nouveau dirigeant se concentre sur les hommes. Un numéro un s’entretiendra longuement avec son adjoint et avec son DRH. Puis c’est au tour de l’ensemble des directions, il consulte aussi les commerciaux et reçoit les clients importants. Si l’entreprise est dispersée, il engage un tour des différents sites. Nommée directrice des ressources humaines et membre du comité de direction du PMU, le 5 novembre 2012, Mylène Collin est arrivée dans l’entreprise le 15 octobre et a bénéficié de trois semaines d’immersion : « J’ai passé trois semaines sur le terrain pour comprendre l’entreprise, ses grandes fonctions, les différents métiers… rencontrer toutes les directions, tous les patrons des directions régionales. C’est une chance d’avoir pu le faire en étant en double commande, avec mon prédécesseur, car le quotidien absorbe vite. »

Former son équipe

Le nouvel arrivant réorganise le travail d’abord avec ses plus proches collaborateurs : « La première semaine opérationnelle, j’ai fait connaissance avec mes équipes – 35 personnes, confirme Mylène Collin. J’ai réalisé environ 80% d’entretiens individuels, afin d’envisager de nouvelles perspectives pour l’équipe de RH. » C’est le moment d’impulser sa méthode. L’occasion de marquer une rupture dans les habitudes : remplacer, par exemple, de grandes réunions, un peu formelles, par des réunions en petits groupes plus efficaces.

Aborder les sujets stratégiques

Rencontrer le comité d’entreprise, les partenaires sociaux, identifier les points de frictions et les points faibles de la société… A partir de la cinquième semaine, le dirigeant se plonge dans l’analyse du bilan et identifie les leviers de rentabilité de l’entreprise. Dans cette période, il est recommandé de surveiller les dépenses, avant d’établir ses propres priorités, et d’engager des « victoires rapides », visant à renforcer la solidité financière,  en attente d’une analyse plus fine.

Communiquer sa vision de l’entreprise

Tant pour ses équipes que pour son conseil d’administration, le dirigeant récapitule dans un document  les points essentiels de sa stratégie : « Je me suis donné un mois et demi pour construire ma vision des ressources humaines de l’entreprise pour les trois ans à venir, indique Mylène Collin. J’ai déjà soumis des propositions au Président et au directeur général. Après quelques ajustements, je suis en mesure de présenter, en janvier 2013, un rapport écrit au comité de direction pour vérifier que nous sommes bien en phase et valider une feuille de route définitive. » Après les 100 jours, viendra le temps d’explorer de nouvelles opportunités pour l’entreprise.

Conseil #9 : S’imposer quand on est femmes dirigeante

Les “patronnes” ont la réputation de privilégier le concret et le relationnel, davantage que leurs homologues masculins, mais hommes et femmes semblent égaux face à la prise de fonction.

Le plafond de verre existe-t-il encore ?

Si l’évolution est sensible, surtout dans les grandes entreprises, en matière d’égalité entre les hommes et les femmes, force est de constater que les femmes PDG restent très minoritaires. Formateurs, experts en management, dirigeants eux-mêmes… tous s’accordent à remarquer qu’il n’y a guère de spécificité en matière de prise de hautes fonctions entre les deux sexes. Une idée développée par Mercedes Erra, fondatrice de BETC : «

L’histoire des femmes est différente de celle des hommes. Elles n’ont pas un cerveau différent, mais elles ont été élevées différemment, elles portent l’héritage de mamans et de grands-mères. Mais quand les femmes atteignent ces postes de haut niveau, c’est qu’elles ont déjà réglé beaucoup de problèmes en amont. »

Plus de pragmatisme du côté des femmes ?

Quand les observateurs de l’entreprise reconnaissent, du bout des lèvres, des différences entre dirigeantes et dirigeants pour aborder une prise de fonction, ils jugent les premières plus concrètes, plus pragmatiques, et moins prédisposées à la « grosse tête ». Selon Mercedes Erra, dont l’agence est spécialisée dans la stratégie de marque, les 100 jours servent surtout à « raconter l’histoire d’un dirigeant. Mais c’est aussi un temps de rencontre et de compréhension, un moment propice pour douter, choisir, puis s’y tenir. Je crois au vrai, au réel pas à l’esbroufe, poursuit-elle. Moi, je m’occupe de marques, il ne faut pas changer pour changer. Il faut respecter l’héritage, ne pas vouloir mettre sa patte à tout prix », conclut-elle.

Quel style de leadership au féminin ?

Entre focaliser sa gouvernance sur des résultats : bien gérer, réussir… ou sur la manière : faire évoluer l’entreprise, entraîner les hommes… les dirigeantes auront, peut-être, tendance à privilégier le relationnel plus que la réalisation des tâches. « Pour moi, le leadership est naturel, affirme Mercedes Erra. Je n’y réfléchis jamais. Je n’ai jamais eu de 100 jours, je suis montée dans la hiérarchie à l’intérieur des entreprises, je n’arrivais pas à l’improviste. Le leadership, c’est montrer une voie. Le charisme ne suffit pas sans la capacité d’entraîner avec soi. Le patron est comme une pile, il doit communiquer de l’énergie. »

S’il peut y avoir des questionnements à l’arrivée d’une femme à la tête d’une entreprise fortement masculine, dans l’industrie par exemple, généralement la greffe prend. La meilleure arme dont disposent les dirigeantes pour surmonter les préjugés, c’est de se mettre en réseau. Le nombre d’associations de femmes influentes prouve qu’elles ne s’en privent pas.

Conseil #10 : S’appuyer sur son DRH lors d’une prise de fonction

Pour connaître les équipes, leur fonctionnement et les rapports de force moins manifestes au sein de l’entreprise, le directeur des ressources humaines constitue un guide précieux soutient une tribune de Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH.

Le duo patron DRH : une relation intense

Dès les premières heures de la prise de fonction d’un top manager, la première personne qu’il rencontre, longuement, est son directeur des ressources humaines : « Le rendez-vous avec le DRH, l’homme qui connaît les hommes, constitue le moment le plus important pour découvrir ceux avec qui l’on va travailler », souligne Jean-Christophe Sciberras, DRH France et directeur des relations sociales du groupe Rhodia. Cette première réunion, dense, doit permettre au nouvel arrivant d’avoir une meilleure connaissance du paysage de l’entreprise et de son organisation. Il en retient des données quantitatives sur les effectifs, la pyramide des âges, les flux de recrutement, mais aussi des informations précieuses sur les rapports entre les collaborateurs, les incidents et les succès des derniers mois… « Des évènements et des éléments que tout le monde connaît, sauf lui, précise Jean-Christophe Sciberras. En l’alertant sur les sujets brûlants, les entités en difficulté et les problèmes sociaux du moment, le DRH l’aide à combler l’effet de décalage. » C’est en même temps un moment de vérité pour les deux interlocuteurs, qui au-delà des compétences techniques peuvent vérifier si le courant passe ou pas entre eux. On change rarement à la fois le numéro un et le DRH, mais ils doivent rapidement sentir s’ils résisteront à l’épreuve du temps.

Prévenir les obstacles

Il ressort d’une enquête, réalisée par l’ANDRH en septembre 2010, que les principales difficultés rencontrées, côté dirigeants, sont dues à une impatience d’imprimer sa marque sans prendre le temps d’observer et de comprendre, à un manque d’attention à l’équipe ou à un trop gros écart entre les fonctions antérieures et les nouvelles. Les conclusions de cette enquête démontrent que l’entreprise et le cadre sont coresponsables du processus de prise de poste.

Qui voir ? Dans quel ordre ? Qui sont les hommes clés, les relais d’opinion ? « Le DRH sert de guide, analyse Jean-Christophe Sciberras, pour éviter au nouveau venu de commettre des impairs. L’enjeu est que la greffe prenne et c’est loin d’être évident. » Le DRH organisera, par exemple, rapidement une rencontre avec les organisations syndicales, qui n’apprécieraient pas de se sentir reléguées à un rendez-vous lointain. Et quand le dirigeant entame son tour systématique de l’entreprise, il continue à rester en contact quotidien avec le DRH, sous forme de questions/réponses, en instantané.